Remplacer les répétitions, c’est long et fastidieux, mais c’est surtout risqué. Quels sont les pièges à éviter, les erreurs à ne pas commettre ? Cachou vous révèle quelques astuces auxquelles il a pensé, en espérant qu’elles vous seront utiles.
Comment remplacer efficacement les répétitions ? Je vous invite à lire l’autre partie de l’article : Remplacer les répétitions : les méthodes
Partie I : ne pas éradiquer
Ne pensez pas que toutes les répétitions doivent être éradiquées. Elles ne sont pas un fléau à anéantir et elles ne sont pas toutes néfastes. Une répétition de “porte” pourrait passer bien plus inaperçu qu’un petit “battant de bois” glissé à la place. Les logiciels peuvent vous aider à les repérer, mais alors vous ne saurez peut-être pas faire la différence entre celles qui aident le texte à être fluide et sans prétention et celles qui ressortent à la lecture. Le mieux ? Un œil extérieur, toujours. Tous les lecteurs ne verront pas les mêmes répétitions, et celles qui ont échappé à l’un gêneront peut-être un autre, mais ça reste une bonne indication pour faire le tri et ne pas supprimer intégralement toute petite répétition dans un rayon de 100 mots. Avec un tel acharnement, vous pourriez créer des équivoques, des soucis d’incompréhension, d’interprétation. Si vous restez trop longtemps sur une répétition, vous ne verrez plus votre phrase de la même manière, vous ne la modifierez plus avec pertinence, parcimonie et amour. Au bout du compte, il vous faut respecter votre plume, votre identité, et cette dernière est aussi faite de quelques tics d’écriture et de mots que vous affectionnez. Apprenez à aimer votre style, et ensuite vous pourrez faire la guerre aux répétitions de façon saine et réfléchie.
Il convient aussi d’être bien plus laxiste avec les dialogues. Ne supprimez pas les répétitions des dialogues pour des alternatives moins réalistes. Laissez les personnages s’exprimer comme ils le font, donnez-leur même des tics de langage si vous le souhaitez. Certains utiliseront peut-être un mot rare en abondance, d’autres s’exprimeront plus simplement. Ce qui est sûr, c’est que les répétitions font partie intégrante de notre façon de nous exprimer. Sur tous les mots qu’il y a dans le dictionnaire, vous seriez surpris·e de savoir combien nous en utilisons au quotidien. Ne sacrifiez pas le réalisme dans votre chasse aux répétitions, votre récit en serait fortement dénaturé.
Partie II : éviter d’ajouter une faute
Au-delà de ça, les dictionnaires de synonymes ne prennent pas en compte toutes les nuances d’un mot, il vaut mieux ne pas s’y fier totalement mais s’en servir de simple guide. Les dictionnaires classiques pourraient manquer de détails et de nuances, car ils sont concis, pourtant ils vous donneront également des informations que la plupart des gens ne prennent pas le temps de vérifier. Il convient donc, avant de remplacer un mot, de :
- a) Vérifier sa définition.
- b) Vérifier sa construction
- c) Vérifier son niveau de langage
a ) Les fautes sémantiques.
Elles sont bien plus faciles à faire qu’il n’y paraît, et même si vous avez l’impression de connaître la définition d’un mot, vous pourriez bien être surpris. J’ai par exemple souvent vu le verbe “toiser” utilisé comme synonyme de regarder (plus ou moins attentivement). Toiser a pourtant une nuance très claire de mépris : quand on toise quelqu’un, on le regarde de haut. Et dans certains contextes, eh bien, ça devient une faute sémantique si la situation ne se prête absolument pas à ce dédain. Les dictionnaires de synonymes ne vous fourniront pas cette information, aussi il faut vérifier dans le dictionnaire avant d’intégrer ce mot à son récit. Le mieux, également, est de vérifier dans le cnrtl les différents usages. Certains mots, bien que dans le dictionnaire leur sens soit simple et direct, pourraient avoir dans l’usage des connotations qu’on préférera éviter dans son récit, même si ce n’est pas strictement une faute sémantique.
b) Les fautes de construction.
Tous les mots ne se construisent pas de la même manière dans une phrase, et c’est d’autant plus vrai pour les synonymes. Si on prend un exemple dans sa construction la plus stricte, par exemple, “détoner” ne s’utilise pas de la même manière que “contraster”, pour la simple et bonne raison que détonner est un verbe intransitif, et contraster est un verbe transitif. Aussi, vous direz que votre canapé contraste avec le papier peint (verbe transitif indirect : le complément est introduit par la préposition “avec”), mais simplement qu’il détone (verbe intransitif, qui ne demande pas de complément direct ou indirect), et c’est tout. Vous pourrez bien ajouter quelque complément circonstanciel pour faire passer l’information du papier peint, mais dans un français soigné, on évitera de dire que le canapé détonne avec le papier peint. Dans l’usage, c’est une autre histoire, évidemment, et il vaut mieux ne pas toujours se plier à toutes les règles. On a aussi le même souci avec les synonymes du verbe “regarder”. “Regarder” accepte des milliers de constructions différentes (c’est peut-être légèrement exagéré, mais c’est le sentiment que j’ai : si vous regardez la page du cnrtl, vous verrez qu’elle est plutôt longue). Ce n’est pas le cas de certains synonymes (hors nuances sémantiques, évidemment), comme apercevoir, dévisager, etc. Faites donc attention à la construction de vos phrases quand vous changez un mot, le synonyme pourrait avoir un sens très proche mais une construction totalement différente. On notera d’ailleurs que ça crée des “contaminations” : la construction “observer + infinitif” n’est pas censée exister, mais a été introduite dans l’usage parce qu’elle se construit sur “regarder + infinitif”. On évitera donc cette construction dans un français soigné (elle a malgré tout été acceptée dans l’édition 2001 du Robert, puis n’a plus été mentionnée dans les suivantes). Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il ne suffit pas de trouver un terme qui “a l’air” assez proche et le mettre à la place de l’ancien. C’est aussi vrai pour certains adjectifs et leurs prépositions. Soyez donc très prudent·e.
c) Le niveau de langage
Respectez le niveau de langage et adaptez-vous face à l’usage. Pour prendre un exemple concret, les “mais” pullulent. C’est un mot facile, qu’on utilise sans cesse, tant et si bien qu’on a tendance à ne pas le voir. En lisant, vous remarquerez beaucoup moins une répétition de “mais” qu’une répétition de “cependant”, par exemple. Tous les mots ne sont pas sur un pied d’égalité face aux répétitions. Il convient donc d’adapter son système en fonction de ce qu’on remplace et ne pas se dire qu’aucune répétition quelle qu’elle soit ne peut vivre dans un même espace de 150 mots. Si votre style est simple, efficace, direct et fluide, vous n’allez pas vous encombrer de “nonobstant”. Et vous n’allez clairement pas mettre des “toutefois” dans les dialogues : vous dénaturez votre plume, mais vous privez également votre récit de réalisme. Si votre style est plutôt soutenu et que vous aimez votre plume élégante, vous n’allez pas pouvoir remplacer “battre” par “passer à tabac”, ce dernier étant plutôt familier. Au bout du compte, il vaut parfois mieux ou supprimer la répétition plutôt que de la remplacer, ou la laisser. Ce qui compte avant tout, c’est la fluidité de la lecture, il faut laisser le lecteur être emporté par les phrases et lui faire oublier qu’il lit des mots. Ne laissez pas les mots ressortir de façon trop intense, alors choisissez des termes adaptés au contexte et à votre style.
En conclusion, apprenez d’abord à aimer votre plume, à comprendre votre style, à voir ses défauts mais également à les accepter pour y remédier sans dénaturer votre style unique. Et si ensuite vous décidez de partie à la chasse aux répétitions, ne le faites pas aveuglément avec un pauvre dictionnaire des synonymes comme seul ami et croisez les informations que vous récoltez.
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